« Haïti n’est ni dirigée ni administrée… », ces paroles prononcées par le Bâtonnier de l’ordre des avocats de Port-au-Prince, Monferrier Dorval, peu avant son assassinat ont valeur de Vérité absolue.
Face à l’entropie envahissante qui s’est installée un peu partout dans la zone métropolitaine et dans les villes de province, les « dirigeants » ont fait, tacitement, aveu de faiblesse, voire d’impuissance totale. Pour qui sait voir et comprendre, nous sommes revenus au temps du « Naje pou w sòti ! ».
Individualisme crasse. D’ailleurs, c’est ce que font par exemple ceux-là qui s’adonnent à la vente informelle et illicite du carburant, 1500 gourdes le gallon de gazoline. Pénurie oblige ! Ainsi va la vie en Haïti où les chefs de gang sont « Rois ». Mais qui sont donc ces chefs de gang ? Qui sont donc ces Rois qui n’ont pour royaume qu’un trou à rat insalubre de Martissant, qu’un bout de terre désolée à la Croix-des-Bouquets ? On ignore tout ou presque d’eux. D’ailleurs, ils ne seraient plus ceux qu’ils sont si quelqu’un comprenait vraiment leur jeu. La prison ou le cimetière. Les créatures échappent aux créateurs, semble-t-il. Mais qui sont donc ces créateurs ? En voilà une autre colle ! Tout ce qu’on sait, c’est que l’omni-absence de l’Etat est mère de tous nos maux…, y compris des gangs armés dont la superpuissance n’est plus à démontrer.
Demain, le soleil d’Haïti ne se lèvera que si les chefs de gang lui ordonnent de se lever. Qui sait ? Mais, en attendant ce miracle anti-démocratique et anti-peuple, aujourd’hui, ce sont eux qui décident de faciliter l’approvisionnement en carburant des stations-service. Banques commerciales, hôpitaux, médias…, tout recommence à « fonctionner » comme à la normale. Oui, fonctionner, c’est ce que nous faisons le mieux chez nous en Haïti. On ne vit pas, on fonctionne. L’Etat n’a pas que les caisses vides (comme le prétendait l’ancien Président Michel Martelly), aujourd’hui ses mains sont tout aussi vides, car ce sont les gangs armés qui détiennent la télécommande nous permettant de « fonctionner ». Ce sont les Rois sans vrais royaumes qui manient aussi les armes qui nous tuent, l’État ayant perdu le monopole de la violence légitime. L’évangile de la Sainte Prudence : Mes frères, dans ce temps mort, l’euphorie n’est pas permise. En vérité, Martissant et ses zones avoisinantes, Croix-des-Bouquets et ses quartiers adjacents portent encore et toujours l’étiquette de « non-droit ». En fait, la Première République noire est en tout et pour tout un Far west. Attention danger ! Nos fameux « pays amis » s’amusent bien à le claironner. Aux Américains et Canadiens qui font encore la sourde oreille, l’injonction de l’Oncle Sam et du Grand Nord Blanc demeure vivante : « Quittez Haïti dès maintenant… ! » Aujourd’hui plus qu’hier et peut-être moins que demain, la sécurité de tous dépend de la capacité de chacun à faire preuve de « grande prudence ». Mais peut-on encore être prudent face aux gangs armés à qui la superpuissance confère, dirait-on, le don ubiquitaire ? Qui pis est, les semeurs de la mort sont inaccessibles à toute empathie… Sommes-nous foutus ?
L’Etat réveille-toi, le peuple est pris au piège !
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