En Haïti, la corruption est un véritable mal social dont la pratique s’étend à tous les échelons de l’Administration publique. Des rapports d’enquête et des requêtes de l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC), transmis à la Justice ce mardi 3 septembre 2024, jettent une lumière crue sur ce fléau qui paralyse le pays, l’empêchant ainsi de connaitre un certain niveau de développement. Du défaut de déclaration de patrimoine, passant par le détournement des fonds du Trésor public, pour aboutir au décaissement injustifié de millions de gourdes dans des organismes autonomes, les documents de l’ULCC donnent froid dans le dos, vu que les maigres ressources de l’Etat sont littéralement siphonnées par ceux-là mêmes qui ont la chance de « Servir » au plus haut niveau.
Dans ses enquêtes révélant le niveau exagéré de corruption qui pèse sur bon nombre d’institutions étatiques, l’Unité de Lutte Contre la Corruption n’a pas fait le « blackout » sur l’Electricité d’Haïti. En effet, dans les divers résumés de rapports publiés ce mardi 3 septembre 2024, l’institution dont Hands Joseph est le Directeur général a mis en lumière un scandale financier majeur au sein de l’Électricité d’Haïti (EDH), où plus de 22 millions de gourdes ont été détournées par des hauts cadres du Conseil d’administration durant la période allant de janvier 2021 à janvier 2022. L’investigation a révélé que le montant exact détourné s’élève à 22,759,671.73 gourdes, provenant des caisses de plusieurs bureaux de l’EDH dans la région métropolitaine de Port-au-Prince. Les soupçons se sont concentrés sur cinq caissières, identifiées comme les principales responsables de ce détournement. Parmi elles, Chantal Jean Thomas a détourné plus de 3 millions de gourdes en plusieurs fois. Naomi Cantave a, quant à elle, détourné un total de plus de 17 millions de gourdes. Cindy Monia François a détourné plus de 1 million de gourdes. Elimise Valbert Pierre a détourné un total de 547,142 gourdes. Enfin, Edmonde Célestin a détourné 135,000 gourdes en janvier 2022.
En outre, l’enquête a également mis en lumière des dysfonctionnements graves au sein du Département des Systèmes Informatiques (DSI) de l’EDH. Le responsable du DSI, Jean Philippe Maximilien, a révélé que le serveur du Système de Gestion Commerciale (SGC) n’était plus fonctionnel, et que le responsable de ce département l’avait quitté sans qu’il y ait de transition.
En conséquence, l’ULCC recommande la mise en mouvement de l’action publique pour détournement de biens publics contre les cinq caissières impliquées.
Dans son flot de rapports et de requêtes rendus publics, 20 au total, l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC) a fait état du patrimoine d’Aviol Fleurant, durant son passage au Ministère de la Planification et de la Coopération Externe (MPCE). C’est à l’initiative de l’ancien co-présentateur de l’émission « Kisa Nou Vle ? » diffusée sur Radio Ibo, Rudy Thomas Sanon, qu’une pétition signée par plus de 4 900 personnes a été déposée au bureau de l’ULCC pour exiger une enquête sur le patrimoine de l’ancien titulaire du MPCE. Les conclusions de l’ULCC vont dans la droite ligne des dénonciations portées contre l’avocat. En plus des déclarations de patrimoine tardives, fausses et incomplètes, l’ULCC a conclu que l’ancien ministre Fleurant s’est enrichi illicitement loirs de son passage à la tête du ministère de la Planification entre 2016 et 2018. L’homme de loi, lors des séances d’audition à l’ULCC, n’a pas pu justifier la provenance d’un montant de 75 000 dollars américains lui ayant permis de faire l’acquisition de deux terrains à Péguy-Ville et une importante somme d’argent estimée à plus de 75 millions de gourdes retracés sur les 16 comptes bancaires qu’ils possèdent avec sa femme Ludmia Toussaint. Il n’a pas non plus déclaré deux véhicules enregistrés en son nom à l’OAVCT.
« M. Aviol FLEURANT s’est enrichi illicitement pendant son passage au Ministère de la Planification et de la Coopération Externe (MPCE) et ne peut pas justifier raisonnablement la provenance de la somme de « soixante-quinze millions deux cent sept mille trois trente-neuf et 29/100 (75, 207,339.29) gourdes » représentant une augmentation de « deux cent cinquante-trois et 26/100 (253.26%) » de son patrimoine par rapport aux revenus légitimes des époux FLEURANT, valeur retracée sur leurs seize (16) comptes bancaires au cours de la période allant de mars 2016 à décembre 2018. Il ne peut raisonnablement justifier, en outre, la provenance des fonds utilisés pour l’acquisition des deux (2) propriétés sises à Péguy-Ville au nom de ses enfants pour la somme de « soixante-quinze mille et 00/100 (75,000.00) dollars américains » au cours de cette même période. De plus, l’ancien titulaire du MPCE a produit une fausse déclaration définitive d’impôts en ne déclarant pas la totalité du montant de « quatre cent mille et 00/100 (400,000.00) gourdes » perçus mensuellement comme honoraires d’avocat déclarés dans ses déclarations de patrimoine d’entrée et de sortie de fonction. Ce qui représente un manque à gagner pour le fisc estimé à « deux millions sept cent quatre-vingt-huit mille quatre cent soixante-sept et 78/100 (2, 788,467.78) gourdes » sur la période considérée par l’enquête, soit trente-trois (33) mois au total », peut-on lire dans le résumé du rapport de l’ULCC.
Selon la conclusion du document en question, la commission d’enquête de l’ULCC recommande la mise en mouvement de l’action publique contre le nommé Aviol Fleurant pour fausse déclaration de patrimoine et enrichissement illicite, conformément aux dispositions de la loi du 12 février 2008 et autres prescrits légaux.
Au sein du Service National de Gestion des Résidus Solides (SNGRS), l’ULCC a révélé un scandale de détournement de carburant d’une ampleur préoccupante. En effet, suite à des accusations virales diffusées sur la plateforme « WhatsApp », opposant le Directeur général Germain Paulémon et son adjoint Max Alex Joseph, l’institution dirigée par Hans Joseph a initié une enquête pour examiner la gestion et l’utilisation du carburant acheté par le SNGRS entre décembre 2021 et avril 2024. Le rapport d’enquête de l’ULCC dévoile des faits accablants. Sur les 227,485,000.00 gourdes dépensées pour l’achat de carburant au cours de cette période, seulement 45 % de cette somme a été justifiée par la consommation réelle du carburant, laissant une quantité de 197,499.57 gallons de diesel, soit près de la moitié du total commandé, non expliquée. Cette quantité détournée représente une perte de 125,061,312.00 gourdes pour l’État haïtien. Les preuves recueillies montrent également une tentative délibérée de dissimulation des faits par des responsables de l’institution. Bibiana Bélizaire, Directrice des affaires administratives et du budget du SNGRS, aurait essayé de couvrir ces actes en fournissant de faux rapports, la plaçant ainsi en position de complice dans cette affaire de détournement de fonds publics.
Ainsi, l’ULCC recommande des mesures strictes sur les plans administratif et pénal. Sur le plan administratif, il est préconisé un audit complet du SNGRS et la suspension des cadres incriminés pour éviter toute entrave aux poursuites judiciaires. Sur le plan pénal, l’action publique est engagée contre Germain Paulémon, Max Alex Joseph, et Bibiana Bélizaire pour détournement de biens publics et complicité, avec une demande de gel de leurs comptes bancaires pour faciliter la restitution des sommes détournées.
La corruption est d’autant plus banale et banalisée en Haïti qu’à l’Office National d’Assurance-Vieillesse (ONA), par exemple, vingt-deux millions de gourdes ont été décaissées sur une simple requête de l’ancien Ministre des affaires sociales, Pierre Ricot Rodney, approuvée par l’ancien Directeur de l’institution Jamley Marc Jean Baptiste. Ce qui prouve, si besoin est, que corrupteurs et corrompus sont des maillons forts d’une longue chaine que la justice haïtienne, moribonde, mettre du temps à briser. Tout compte fait, une question s’impose : quel est l’avenir des sept (7) rapports d’enquête sur des faits avérés et documents de corruption ainsi que des treize (13) requêtes contre des diplomates pour défaut de patrimoine de l’ULCC transmis aux autorités judiciaires ?
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