Depuis l’assassinat condamnable du président Jovenel Moïse, le pays connaît une transition qui n’a cessé de se renouveler et de changer ses acteurs. Ce qui devrait être un processus institutionnel à court terme, visant à garantir le passage d’un état politique contesté à un autre conciliant les intérêts antagonistes des acteurs et ceux de la population haïtienne, est devenu une transition interminable marquée par un échec permanent.
Pourquoi persiste ce que toute la société redoute ? Qui en tire profit ?
Une histoire de transitions chaotiques
Les anciens présidents Jean-Bertrand Aristide, René Préval et Jovenel Moïse n’ont cessé d’exhorter les oppositions qui les combattaient, affirmant que le renouvellement politique par des élections démocratiques devait toujours être la voie de la stabilité politique en Haïti. Ils redoutaient tous une transition qui plongerait le pays dans le chaos.
En effet, après le départ du président Jean-Bertrand Aristide en février 2004, le pays a connu une transition douloureuse, marquée par l’opération Bagdad et ses conséquences, sous la gouvernance transitionnelle de l’ancien premier ministre Gérard Latortue.
La fin du mandat du président René Préval a été marquée par une crise électorale prolongée, après l’alternance Michel Joseph Martelly-Jocelerme Privert, jusqu’aux élections de 2016 et 2017, dont Jovenel Moïse est sorti président, devenant le candidat le plus contesté de l’histoire de la présidence en Haïti.
Celui-ci avait même osé déclarer à ses opposants qu’il serait le dernier président des transitions, qui ont toujours coûté des fortunes à l’État haïtien et enrichi les acteurs de ces mécanismes politiques, souvent révélés comme des pratiques de gouvernance malhonnêtes.
La transition : un marché politique juteux
Son assassinat a été l’occasion pour ses opposants d’annoncer une nouvelle transition politique, qui s’avère aujourd’hui incapable de produire des résultats, mais qui fait la fortune des acteurs se substituant les uns aux autres à l’approche des dates butoirs de cette transition, devenue interminable.
Ce constat révèle que les transitions en Haïti constituent un mode de gouvernance cachant une logique d’affairisme politique. L’ancien président Jovenel Moïse, assassiné pour avoir refusé de céder le pouvoir alors que son mandat avait pris fin selon les accords électoraux de 2016, redoutait une transition et dénonçait les pertes de ressources financières publiques que ce mécanisme engendrait.
Cependant, l’appareil de l’État semble demeurer une industrie de gains économiques, comme le prouve l’histoire d’une politique haïtienne marquée par la corruption et les indemnités politiques, formelles ou informelles, tout au long des 19e et 20e siècles.
L’absence de conviction et de responsabilité politique
Sans manifester une véritable volonté politique ni le sens de l’autorité de l’État, les acteurs de la transition se montrent incapables de prouver une éthique de la conviction et de la responsabilité.
C’est-à-dire agir pour convaincre les gouvernés de leur volonté de résoudre le problème politique par des décisions produisant des résultats concrets et efficaces : pacifier les territoires pris en otage par les groupes armés, mettre en place des mécanismes électoraux démocratiques fiables pour un renouvellement et une stabilité de la démocratie haïtienne, élaborer et exécuter des politiques publiques favorables à une économie d’insertion pour les populations les plus vulnérables face aux formes de corruption politique.
Ensuite, se justifier par des actes moraux prouvant leurs convictions politiques et idéologiques, par exemple en renonçant aux privilèges économiques de l’État pendant la transition (frais, salaires) et en démissionnant face à l’échec de leurs actions.
Une volonté de pouvoir sans honneur
Mais s’accrocher au pouvoir politique, malgré les échecs répétés de leurs décisions, semble être leur seule volonté politique, caractérisant plutôt un esprit machiavélique de l’homme politique : garder le pouvoir par tous les moyens, même déshonorants et malhonnêtes.
C’est pourquoi nous observons que cette transition interminable ne peut aboutir qu’à un échec politique permanent, aggravant une crise historique d’environ trente années de passation problématique du pouvoir politique.
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