Si dans le banquet, Platon aborde l’amour comme une affectation de l’âme, il ne manque pas de traiter cette affection avec un discours rationnel cherchant à exclure toute contradiction dans le comportement de celui ou de celle qui aime quelq’un. Mais, peut-on déduire du Banquet que l’être rationnel est incapable d’aimer, sans perdre cette capacité d’examen critique que l’on associe à la recherche du vrai? Et donc, peut-on être amoureux quand on est étudiant, et rester rationnel dans cette expérience qui priorise les affects ? Essayons de répondre en établissant l’origine du sentiment d’amour et l’essence de la nature de l’etre humain.
L’être humain se réjouit de pouvoir vivre ses pulsions différemment des autres animaux. Les instincts d’attraction et de sexualité deviennent la courtoisie, l’affection, l’amitié, et l’amour. Et cette métamorphose de la nature animale de l’homme fait de celui-ci une bête humanisée. C’est-à-dire, un être qui refoule sa bestialité pour affirmer son humanité. Donc, l’amour est une expression de l’humanisation de l’être animal que nous sommes tous, depuis le sein maternel et pendant toute la durée de notre socialisation. Et comme le mentionne Abraham Maslow dans sa pyramide des besoins humains, chaque être humain est dans son développement psychosocial un être éprouvant le besoin d’aimer et d’être aimé. Quelque soit son habitus intellectuel.
Grâce à la culture, nous avons inventé des rites symboliques et sociaux pour célèbrer l’amour, sentiment auquel nous associons Dieu dans l’expression « Dieu est amour », et différents Dieux des mythologies. Chez les Grecs, l’homme vénère Cupidon qui lance ses flèches qui atteignent les cœurs humains. Associer l’amour à un absolu, c’est dire qu’il n’est pas un sentiment rationnel, vu que la raison cartésienne n’admet pas la possibilité de démonstration du lien pouvant exister entre l’amour et des êtres qui ne renvoient point a l’expérience rationnelle des êtres humains. Mais, il faudrait aussi parler des formes de rationalité, sans donner l’exclusivité au discours cartésien. Par exemple, on pourrait citer Socrate qui refuse d’abandonner la philosophie dont il était amoureux , parce que un oracle lui aurait recommandé d’examiner les hommes qui se disaient être savant et qui étaient aussi passionnés de leur métier de discourir sur tout qui pouvait être l’objet du discours rationnel.
En Haïti, on cite le nom d’Ersulie Freda qui est la deesse des coeurs. Un universitaire haïtien aurait beaucoup de difficultés à prouver qu’il puisse exister un lien entre cette déesse et les hommes et les femmes qui s’aiment d’amour. Donc, la mythologie enrichit le concept d’une sémantique qui défie la rationalité du discours cartésien, même si l’anthropologie culturelle peut se justifier de montrer que le rapport entre une déesse et l’amour à une forme de rationalité par rapport aux valeurs qui contribuent à signifier l’expérience d’aimer et d’être aimé de certaines catégories d’haïtiens.
De façon unanime ce concept que traitent la philosophie et les sciences humaines et sociales inspire les débats dans différents champs universitaires, mais aussi suscite la polémique entre les champs universitaires. C’est pourquoi parler de l’amour comme une expérience émotionnelle et psychologique de l’étudiant demeure un sujet excellent de discussion. Comment un étudiant se conçoit-il comme amoureux, ou/et en amour, sans se trahir dans ses convictions de scientifique rationnel, ou d’aspirant scientifique rationnel ?
En effet, comme tout être humain, un étudiant est d’abord un sujet émotionnel, avant de se soumettre aux critères de la rationalité platonicienne et cartésienne. Donc, comme un être d’émotion, il peut connaître l’expérience de l’amour passionnel, au moment qu’il est en quête du jugement rationnel sur le monde et sur son être. Si pendant les années d’étude universitaire, son souci consiste à rester dans les limites du rationalisme, il ne peut ignorer les appels de son âme affective dans les liens d’inter-reconnaissance et de séduction amoureuse. Par conséquent, il est aussi susceptible des égarement que peuvent provoquer les émotions qui lui sont vitales et utiles pour l’actualisation psychologique et sociale de son être total. Même si à des moments de recueillement et d’introspection, il se donnerait un devoir d’auto-analyse et d’auto-critique, en se rappelant des effets enivrants des passions immodérées. Donc, la question que devrait se poser un étudiant et qui lui renverrait à l’exigence que font les philosophes et moralistes sur l’éducation des passions est bien celle-ci : comment vivre l’expérience de l’amour en restant fidèle aux exigences de la rationalité et d’une éthique du plaisir qui ne doit pas devenir déplaisir ? C’est-à-dire, comment vivre l’amour avec une démarche platonicienne et un regard épicurien ?
Sans trop discourir pour donner une réponse et clore cet article, nous dirions simplement que par son statut et son expérience d’étudiant, tout universitaire devrait pouvoir s’offrir le plaisir de discuter de l’amour avec les penseur classiques de la philosophie, de la psychologie, de la sociologie, et de l’anthropologie culturelle. Comme les couples Jean Paul Sartre et Simone de Beauvoir que Claudine Montreil sublime dans son oeuvre « Les amants de la liberté »,, Chopin et Georges Sand, qui ne se sont pas seulement aimés, mais qui ont eu la joie de parler de leur amour. Tout en ne jamais se donnant l’interdiction d’être passionné. Car, il aurait un exutoire dans le logos qui signifierait son expérience et l’aiderait à vivre une sorte de distanciation vis à vis de son être non rationnel . Le debat étant un fait de discours sur l’objt humain qui permet à ceci de pouvoir se transformer en sujet s’analysant en situation. Donc, l’amour à l’université doit être une belle expérience émotionnelle et une occasion de discuter d’un concept qui renvoie à des faits qui ne sont pas totalement en rupture et en contradiction absolument avec la rationalité humaine. Rappelons-nous que le coeur a toujours ses raisons que la raison ignore, dit la citation. S’il ne s’agit pas d’une contradiction grammaticale sur le sens générique du singulier renvoyant aux attribut du pluriel qui donné au concept tout son sens opératoire pour mieux comprendre le réel que l’on doit identifier par ce conpet, il faut comprendre que la raison n’est pas unitaire dans la quête de sens que l’on donne à l’existence humaine. Aussi, l’amour est légitiment une expérience estudiantine, dans tout ce qu’il peut être comme raison et/ou déraison.. D’autant plus que la jeunesse est une période d’ennui et de grande passions amoureuses…Même sur un campus universitaire.
CHERISCLER EVENS
SOCIOLOGUE ET PROFESSEUR
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