En Haïti, les occasions ratées ne se comptent plus. Il y a trois ans, soit le 22 janvier 2019 plus exactement, les acteurs de la classe politique et de la société civile ont laissé passer la chance d’offrir au pays un « consensus national » à la lumière du « Pacte de gouvernabilité », élaboré à l’initiative du premier ministre d’alors Jean Henry Céant.
On se le rappelle, le 20 novembre 2018, suite aux mouvements populaires violents, « Peyi lòk », le Président de la République Jovenel Moïse dans le cadre de la recherche d’un apaisement de la situation politique, et en conformité des discussions avec le Premier Ministre Jean-Henry Céant, avait octroyé un mandat à ce dernier afin de rencontrer les leaders de l’opposition, des personnalités de la société civile, des hommes et des femmes du secteur des affaires et des artistes de renommée nationale et internationale.
L’objectif était clair et sans équivoque : « Organiser des rencontres en vue de la formation d’un gouvernement d’ouverture devant mener les destinées du pays à partir d’une feuille de route tirée d’un pacte de gouvernabilité ».
Ayant pris son bâton de pèlerin, M. Céant avait mené des discussions et pourparlers qui ont accouché du « Pacte de gouvernabilité », fruit de nombreux rapports d’ateliers de travail et de débats avec les Politiques, les Religieux, les Jeunes, les Femmes, les Paysans des différents départements du pays et tous les secteurs de la vie nationale.
Mais, l’égoïsme des uns et la soif de pouvoir des autres allaient avoir raison de ce document qui, s’il avait été appliqué, aurait pu changer le cours de l’histoire haïtienne.
Le 14 décembre 2021, l’ancien Premier Jean Henry, 5 mois après le tragique magnicide du 7 juillet, écrivait, en guise de rappel : « Les sacrifices énormes consentis tant par l’exécutif que par les interlocuteurs du Premier Ministre ont abouti à la rédaction de ce livret dont le contenu fut la proposition du PACTE DE GOUVERNABILITE. Cet instrument de dialogue préparé par le Premier Ministre Céant discuté, revu et corrigé plusieurs fois par le Président Jovenel Moïse a reçu le coup de jarnac de ce dernier phagocyté par des thuriféraires de son entourage qui reniflaient le “COUP D’ÉTAT” dans chacune des actions du Premier Ministre Céant. Hélas ! les cassandres de tout bord ont eu raison de la perspicacité d’un Président métamorphosé lors en Pic de la Mirandole ».
Oui, qui peut l’oublier, Jovenel Moïse, sans s’embarrasser de protocole et du prestige lié à sa fonction de président, avait craché sur la démarche, vu que l’aile dure de l’opposition ne s’y était pas prêtée au jeu démocratique. Vieux routier de la politique, Jean Henry Céant s’apprêtait pourtant à ramener les plus farouches au bord de la table. Mais, le Chef de l’État manquait, peut-être, de patience, vertu des Héros.
« Ce Mardi 22 janvier 2019 a été révélateur de la cécité et de la pusillanimité des hommes politiques à l’écoute du chant mélodieux des sirènes. Cette rencontre à la salle des Congrès de la Banque de la République d’Haiti (BRH) réunissant : la communauté internationale, certains chefs influents de partis politiques de l’opposition, des figures de proue de la société civile, plus de 250 délégués de toutes tendances venus des 10 départements du pays et des personnalités connues de la Diaspora, a marqué le point de départ de la dégringolade qui a ouvert la voie aux mésaventures inimaginables que connaît actuellement le pays. Goethe a dit “le temps use le mensonge et polit la vérité” mais Frankétienne a aussi écrit “le songe devient mensonge quand la nuit se prolonge”. Est donc venu le temps de raccourcir nos rêves », avait conclu M. Céant dans sa sortie publique en 2019.
Tout compte fait, le pays qui aujourd’hui se cherche, a raté une belle occasion. À l’heure où les Accords contradictoires fusent, le « Pacte de gouvernabilité » élaboré par Jean Henry Céant s’impose tant par son caractère rassembleur que par son poids politique.
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