Une vision philosophique pour une société vertueuse
Selon la pensée platonicienne, une cité ne peut être vertueuse si ses gouvernants ne le sont pas ; et ceux-ci ne le seront jamais si les citoyens ne reçoivent pas une éducation à la vertu. Cette vision fournit une grille de lecture essentielle pour comprendre les dérives de la société haïtienne et tracer les contours d’une métamorphose sociale et politique profonde.
Une histoire marquée par l’absence de vertu politique
L’histoire politique d’Haïti est traversée par une carence morale persistante :
- Conflits entre les élites des anciens libres et des nouveaux libres,
- Assassinat du Père fondateur Jean-Jacques Dessalines,
- Régime népotiste et clientéliste de Jean-Pierre Boyer,
- Dictature impériale régressive de Faustin Soulouque,
- Politique des baïonnettes sous les salomonistes,
- Compromissions pendant l’occupation de 1915,
- Dictature dynastique des Duvalier,
- Tentatives démocratiques échouées, gangrenées par la corruption et les crimes politiques.
Constat : Aucun de ces régimes n’a réalisé les deux objectifs fondamentaux de toute activité politique : la paix intérieure et le bien-être collectif.
Crise actuelle : une société sans repères ni régulation morale
Aujourd’hui, Haïti fait face à une décomposition institutionnelle aggravée :
- Affaiblissement des pouvoirs régaliens,
- Discrédit total des dirigeants,
- Corruption chronique,
- Dilapidation des finances publiques,
- Émergence de groupes armés illégaux,
- Indifférence d’une population politiquement analphabète.
Racine profonde : l’absence d’institutions capables de moraliser l’action publique. C’est cette incapacité à organiser un encadrement éthique de la vie politique qui explique l’effondrement du pays.
Médias haïtiens : entre pouvoir d’influence et dérive clientéliste
Les médias, en tant qu’institutions intermédiaires, pourraient être un levier central pour freiner cette chute morale.
Avec les nouvelles technologies de l’information, la politique est désormais surmédiatisée, forçant les acteurs à plus de transparence.
Mais en Haïti ?
- Les médias ont parfois amplifié la popularité de leaders ou précipité des chutes de régime,
- Mais leur action s’est souvent limitée à du sensationnalisme,
- Peu de débats critiques, pluralistes et structurés,
- Nombreux cas de clientélisme et perte de crédibilité.
Résultat : les médias haïtiens participent à l’abrutissement politique d’une large frange de la population, favorisent les pratiques immorales et alimentent l’enrichissement d’élites indifférentes au sort collectif.
Propositions pour une réforme en profondeur des médias
1. Professionnalisation par la compétence académique
Les journalistes doivent être formés en journalisme et dans des disciplines universitaires selon les thématiques traitées.
Objectifs :
- Produire des contenus équilibrés et rigoureux,
- Renforcer l’éducation morale et civique,
- Créer un espace de dialogue citoyen,
- Évaluer les discours politiques avec rigueur scientifique,
- Instaurer une démocratie réelle et fonctionnelle.
2. Indépendance par une revalorisation salariale
Le journalisme mal payé est vulnérable à la corruption.
Mesures proposées :
- Augmentation des salaires,
- Motivation éthique au refus de la compromission,
- Plaidoyer pour une subvention publique sous contrôle citoyen,
- Libérer les rédactions des dépendances politiques et commerciales.
Objectifs : garantir une presse libre, intègre, et influente dans l’espace public.
Vers une société mieux éduquée, des dirigeants plus responsables
En combinant compétence académique et indépendance économique, les médias haïtiens pourront enfin :
- Orienter les opinions vers l’intérêt général,
- Dénoncer les abus avec légitimité,
- Former des citoyens critiques et actifs,
- Renforcer la pression citoyenne sur les dirigeants politiques.
❓ Une question qui dérange : les patrons de presse sont-ils prêts ?
La moralisation de la politique haïtienne passe nécessairement par la transformation des médias en institutions professionnelles, indépendantes et engagées dans le bien commun.
Mais les propriétaires de médias haïtiens sont-ils disposés à opérer cette révolution structurelle ?
Cette interrogation, cruciale dans le contexte actuel, interpelle chaque acteur de la vie publique : citoyens, journalistes, intellectuels, et décideurs politiques. Il est temps de repenser nos valeurs et nos pratiques.
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