Les pathologies sociales d’une  société haitienne répressive

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La santé sociale d’une communauté se manifeste par des comportements et des attitudes marqués par une courtoisie sincère et désintéressée, une estime de soi exempte d’orgueil narcissique, un respect authentique d’autrui qui ne verse ni dans l’hypocrisie ni dans la flatterie servile, et une reconnaissance de la dignité humaine, exigeant un traitement équitable dans les relations interpersonnelles et institutionnelles.

En Haïti, cependant, ces idéaux sont souvent travestis : la courtoisie sociale se réduit à une mise en scène feutrée, l’estime de soi est minée par des complexes de supériorité ou d’infériorité qui brisent la personnalité des individus…

Ces comportements sont les symptômes évidents des pathologies sociales engendrées par une société haïtienne profondément répressive. Certains acteurs, complices de ce système, en tirent profit pour asseoir leur domination et conquérir des positions de prestige et de distinction.

Une société d’humiliation et d’inégalités

Les relations de travail, familiales et politiques en Haïti deviennent fréquemment des scènes d’humiliation, de perte de confiance et de fierté personnelle, loin de favoriser l’épanouissement et la réalisation de soi, qui devraient pourtant être leur finalité.

Selon la pyramide des besoins d’Abraham Maslow, seuls les besoins primaires sont partiellement satisfaits, à un niveau de subsistance précaire, pour la majorité de la population. Cette situation alimente des comportements et des attitudes pathologiques dans les interactions quotidiennes.

Dans une société marquée par une mobilité sociale exceptionnelle, les mécanismes institutionnels reproduisent un ordre inégalitaire et répressif, faisant d’Haïti un exemple criant d’une société de méfiance et de déshonneur.

Une éducation déficiente et une justice absente

Cette réalité trouve ses racines dans une éducation qui néglige la construction d’individus capables de se connaître, de s’aimer, de se valoriser et de se tolérer dans leur unicité et leur diversité.

Les programmes d’instruction civique et morale échouent à insuffler aux apprenants la conviction de croire en la justice sociale, de la pratiquer, de la revendiquer et de la défendre comme un impératif fondamental de toute gouvernance démocratique.

À cela s’ajoute l’absence de justice rétributive dans un contexte économique marqué par le chômage endémique et des salaires dérisoires, même pour ceux qui accèdent à une insertion professionnelle…

De plus, l’absence de justice distributive, dans un système économique incapable de produire suffisamment de biens et de services pour tous, aggrave ces anomalies comportementales.

Le rôle destructeur des médias

Par ailleurs, la communication des médias de masse en Haïti contribue à cette pathologie sociale en amplifiant les comportements qu’elle devrait corriger.

La mégalomanie et l’écart des acteurs médiatiques par rapport aux normes déontologiques détournent la liberté de la presse en une source d’intoxication des consciences, aggravant l’état de la santé sociale.

Le non-respect de la dignité humaine, la confusion entre vie privée et vie publique, ainsi que l’exploitation de l’intérêt public à des fins sensationnalistes sont des pratiques courantes dans le discours médiatique.

Une société de refoulements et de domination

Ces dynamiques révèlent une répression multiforme qui refoule les désirs et les aspirations des individus, s’exprimant sous forme de pathologies sociales.

Les scènes des marchés publics, de la circulation routière, des débats entre personnalités politiques ou intellectuelles, parfois marquées par une censure implicite, ou encore les tensions dans les quartiers précaires, sont autant de symptômes de ces refoulements.

Cette société, discriminatoire, inégalitaire, autoritaire, reproduit des mécanismes qui pérennisent les structures de domination d’une minorité privilégiée.

Ces enjeux ne peuvent être ignorés dans les débats visant à clore la transition politique, dont l’objectif est de remettre Haïti sur la voie du progrès économique, social et politique. Pourquoi pas aussi du progrès humain ?

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Cheriscler Evens

Cheriscler Evens

Cheriscler Evens a étudié la sociologie à la faculté des sciences humaines de l'université d'État d'Haiti. Il a collaboré comme journaliste rédacteur dans plusieurs média haitien. Passionné du métier de l'écriture, il travail sur des projets littéraires qu'il compte partager bientot au public de lecteurs. Actuellement, il est professeur de communication créole et sciences sociales au secondaire, et collabore avec le journal en ligne Hebdo 24.

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