À tous égards, 2021 a été une année durant laquelle les mauvaises épreuves se sont succédé, confortant Haïti dans sa fâcheuse posture mondiale d’« entité chaotique ingouvernable ». Querelles politiques interminables, assassinat spectaculaire du 58ème Chef d’Etat d’Haïti, kidnappings en série, massacres répétés à l’entrée sud de Port-au-Prince, crise artificielle de carburant, dépréciation accélérée de la gourde…, bref, nous avons côtoyé l’horreur au quotidien. En somme, les limites de l’absurde ont été dépassées. Et, malheureusement, au crépuscule de l’année 2021, nous nous comportons encore et toujours en frères ennemis.
L’opposition affichée par un groupe armé contre la venue du Premier ministre aux Gonaïves pour la célébration de la fête de l’Indépendance le 1er janvier 2022, demeure la preuve la plus parlante qu’en Haïti, certains secteurs ont fait de l’instabilité une éthique de vie, une arme politique. Nous nous divisons, nous nous tournons le dos là où il nous faut impérativement et nécessairement nous tendre la main…Hélas !
Aujourd’hui plus qu’hier, l’avenir d’Haïti est marqué du sceau de l’incertitude la plus totale. Déjà, même les plus optimistes doutent, à raison, que l’année qui s’en vient, 2022, sera différente de celle qui s’en va. Et ce doute collectif trouve sa légitimation dans le fait que nous persistons dans nos erreurs comme si nous avons, tacitement, pris rendez-vous avec l’ÉCHEC. Malheureusement, chez nous, les années se succèdent et se ressemblent puisque nous refusons de changer de modus faciendi ; nous sommes comme allergiques au « faire autrement ».
Pour triompher des obstacles, visibles et invisibles, qui se dressent déjà sur notre chemin à deux pas de 2022, il nous faut nous inscrire à « l’École de l’Union », seul lieu où est possible l’harmonie entre les valeurs collectives et les attitudes individuelles. Au lieu de continuer à enfermer l’avenir dans un individualisme négatif marqué par la ligne de démarcation séculaire entre Nèg anwo/Nèg anba, Capitale/Villes de Province, Pouvoir/Opposition…, il nous faut donner priorité et préséance à ce qui nous unit fondamentalement, à commencer par la mère Patrie. Nous n’avons pas de terre de rechange, Haïti est à la fois notre rempart et notre dernier recours, notre commencement et notre fin. Le contexte géopolitique caractérisé par le durcissement effectif des lois sur la migration ou la volonté de les durcir davantage, notamment en Occident, met les pays en voie de développement, au premier rang desquels Haïti, face à l’obligation de se construire. Pour en finir avec l’anomie, la misère abjecte et tous les maux qui s’installent en Haïti, les élites (économiques, politiques, sociales, culturelles) doivent s’entendre, par le truchement d’un dialogue inclusif, sur un Projet de société. Oui, le dialogue, on ne se lassera pas de le réclamer. C’est le sésame qui ouvre la voie du développement et du progrès. C’est en commençant par poser le geste hautement humain et fraternel de s’écouter pour se comprendre que nous pourrons oser espérer avoir une année 2022 différente de 2021. C’est dans le vivre-ensemble que nous trouverons la force nécessaire pour relever les grands défis que sont : la création massive d’emplois pour sortir le pays de l’assistanat, combler les « espaces sociaux vides », ramener les jeunes armés et dévoyés sur les rails de l’Humanité. C’est à ce prix que les Haïtiens d’ici et d’ailleurs peuvent faire de 2022 une année de « marche vers le Développement ».
À l’aube de cette nouvelle année, nous devons tous reconnaître qu’Haïti a trop longtemps vécu dans un régime d’instabilité politique chronique qui a fait renaître périodiquement des gouvernements provisoires. Or, tant que les structures politiques du pays resteront telles qu’elles sont, il est à craindre que nous n’échappions pas à des crises répétées, incompatibles avec la marche du monde moderne. Pour participer à l’évolution générale, bien jouer sa partition dans le concert des Nations, Haïti a besoin d’un régime à la fois stable, démocratique et inclusif. D’où, l’impérieuse nécessité de modifier en profondeur la Constitution, inclure dans la prise des grandes décisions civiques et politiques la Diaspora. Aujourd’hui plus que jamais, il revient à toutes les filles et tous les fils de la Première République Noire de faire montre de capacité à s’emparer eux-mêmes de leur destin. Ce qu’une nation ne fait pas pour elle-même personne ne le fera à sa place !
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